L'histoire de la césarienne doit être étudiée de trois points de vue différents,
même si, bien entendu existe un certain chevauchement, résultant des influences
réciproques de l'un sur l'autre.
Elle est très riche, quelque soit la civilisation d'origine.
La branche gréco-romaine, à laquelle nous appartenons donne trois exemples bien connus.
Apollon, découvrant l'infidélité de Coronis la tue, mais se ravise rapidement et ouvre
le ventre qui portait son fils, Esculape. Zeus, constatant la mort de Semelé, brûlée
par le feu divin, imprudemment allumé sur l'intervention perfide d'Héra, ouvre la morte
pour extraire Dionysos, sain et sauf, mais très prématuré. Sacuisse servira de
couveuse, jusqu'à la maturité acquise du héros. Virgile, dans l'Eneide, relate la
naissance de Lichas, détaché du sein de sa mère sans vie, dans le livre X.
La branche perse, dans le Livre des Rois, raconte longuement les douleurs de Rudabeh,
finalement opérée sur les conseils du vaniteux oiseau Simurgh, présent pendant
l'intervention. La technique est décrite, avec l'analgésie due au vin, l'incision sur le
flan gauche, et la naissance de Roustam, suivie de la suture arrêtant l'hémorragie.
Les orientaux ne sont pas en reste, et Bouddha, comme Brahma ont connu une naissance
chirurgicale.
Elle commence avec Numa Pompilius(715-672),dans le Pandecte. Celui-ci demande
l'extraction du fœtus viable immédiatement après un éventuelle mort maternelle. Le
droit romain sera constant à ce sujet et rappelé une nouvelle fois par Justinien
(Digesta). Pline relate l'extraction de Scipion hors du ventre de sa mère Aurélia
.Est-ce parce qu'il fut le vainqueur de Carthage, et donc devenu l'Africain, général
victorieux, appelé César lors de son triomphe que l'opération prit le nom de
Césarienne ? Certains le pensent, moi pas. Tout le monde est d'accord pour affirmer que
Jules n'est pas né ainsi, puisque sa mère était encore vivante aux débuts de sa vie
publique, et qu'aucun auteur latin ne s'est avisé d'écrire quoi que ce soit sur un
événement qui aurait été aussi exceptionnel. Personnellement, je partage l'avis de
ceux qui estiment que la simple étymologie est à l'origine du mot, comme par ailleurs de
ciseaux.
Les Juifs, par la Mishnah, envisagent la naissance de jumeaux (Niddah 5 :1) par coupure de
l'abdomen, ajoutant qu'aucun d'eux ne bénéficierait des droits d'aînesse et que la
mère, survivante, n'aurait pas à se purifier ( il n'y en a certainement pas eu
beaucoup).
Les chrétiens, par le Sacra Embryo du chanoine Cangiamilia, demandent que tout décès,
pendant la grossesse, même si le médecin appelé affirme la mort fœtale, entraîne
l'extraction en vue du baptême, quel que soit l'âge de l'enfant à naître. Il va plus
loin, demandant au prêtre, en l'absence de médecin d'opérer lui même.
Tout le Moyen-Age chrétien est imprégné de cette obligation faite de soustraire
l'enfant des méfaits du péché originel. Certains estiment qu'il faut opérer dès que
la mort apparaît inéluctable, ce qui entraînera des correctifs faciles à prévoir,
avec en particulier la présence devenue juridiquement obligatoire d'un médecin pour
faire le constat et éventuellement intervenir(rappel fait encore en 1899 !).
Elle commence réellement son histoire avec l'ouvrage de François Rousset, publié en
français "pour obéir au commandement de feu Madame et Maîtresse Renée de France
fait quelque peu avant son décès". En 1581, l'auteur se penche sur la préparation
psychologique de la patiente, sur la disposition du matériel, à portée de main, sur
l'installation de l'opérée, sur le tracé de l'incision (latéral gauche, pour éviter
le foie, sur les gestes du chirurgien, "remettre la matrice doucement dans son lieu
sans y rien coudre"…… Bref, c'est du sérieux, d'autant qu'il traite
également des indications et des soins postopératoires. Depuis le début du XVI°
siècle existait en fait ce qu'on appelle un prurit opératoire qui démangeait certains
en les poussant à tenter l'intervention chirurgicale sur parturientes vivantes, mais dans
l'impossibilité d'accoucher par les voies naturelles. L'occasion était trop belle pour
Ambroise Paré de rappeler quelques évidences qu'on appellerait "bio-éthiques"
aujourd'hui : la mort de toutes les opérées condamnant formellement toute tentative. Son
gendre Guillemeau, puis plus tard Mauriceau prirent le relais : c'était nécessaire. On
racontait qu'un châtreur de porcs helvète avait opéré avec succès son épouse à la
fin de ses quatre grossesses parce que "l'embouchure naturelle était suffisante à
recevoir la géniture, mais non à rendre l'enfant". On insistait sur la nécessité
du baptême avant la mort de l'enfant, donc quand la mère était encore vivante. Les
vrais accoucheurs tenaient bon, continuant à préconiser la version par manœuvres
internes qui avait fait ses preuves depuis le II° siècle et Soranos d'Ephèse. Ils
tiennent compte des croyances et Mauriceau fait fabriquer une sorte de clystère
permettant l'ondoiement de l'enfant encore in utero. En 1800, une série de 24
césariennes pratiquées sur femmes vivantes compte 24 morts maternelles. Il faut attendre
la fin du XIX°, le matériel de suture résorbable, l'anesthésie générale et surtout
l'asepsie pour que la mortalité maternelle, encore non négligeable, devienne acceptable
dans les cas "purs", lorsque l'infection n'avait pas préalablement atteint
l'utérus. Adolphe Pinard peut enfin, en 1905, écrire que l'embryotomie (morcellement) de
l'enfant vivant n'a plus d'indication.
A partir des années 1950, la transfusion sanguine et les antibiotiques entraînent
l'effondrement du risque vital maternel (comme pour les avortements médicalisés).
En trente ans, le taux de césariennes est multiplié par 3 à 4, passant de 4% à plus
de 16%. C'est devenu tellement pratique d'éviter les accouchements de nuit ou de week-end
que pour une fois accoucheurs et belles mères se mettent d'accord pour
"programmer" la naissance, avec l'assentiment du père qui peut mieux organiser
son temps et de la mère qui demande à ne rien voir et à ne pas souffrir. J'exagère un
peu pour expliquer des taux constatés à 36% ! Il n'en reste pas moins que, si minime
soit-il, les décès maternels sont 4 fois plus nombreux après césarienne qu'après
accouchement par les voies naturelles ; il faut ajouter les risques d'infection, peu
graves en soi , mais pénibles .
L'opération césarienne ne doit pas être décidée à la légère, sur simple demande,
mais doit toujours garder une indication médicale sérieuse.
Diverses, parfois intriquées, elles peuvent être prévues dans certains cas, mais
peuvent apparaître impérieuses et urgentes à tout moment de la grossesse ou du travail
d'accouchement.
Ces césariennes peuvent être faites à une date choisie au mieux pour assurer la
meilleure maturité fœtale sans accroître le risque . La consultation anesthésique
est de règle avant l'intervention.
Dans la plupart des cas, l'incision est horizontale, sus-pubienne et sera cachée dès
que la toison pubienne aura repoussé après le nécessaire rasage préopératoire. Ce
n'est pas pour de simples raisons esthétiques qu'elle est préférée. Elle est aussi
plus solide, correspondant au pli de la peau observable sur le tableau de Botticelli
"La naissance de Venus", ça vous dit quelque chose ? Il peut arriver que
l'incision soit verticale, en quelque sorte une fente vulvaire passagère au dessus du
pubis et non en dessous. Des raisons techniques (extraction difficile de l'enfant prévue)
la motivent le plus souvent. Parfois l'incision débutera au dessus de l'ombilic pour le
contourner, à gauche et se terminer un peu plus bas. C'est l'incision choisie pour une
césarienne corporéale.
L'incision du corps de l'utérus était la seule pratiquée jusque dans les années 20
de ce siècle. L'abord de l'enfant est plus direct, donc plus rapide et l'extraction plus
facile. C'est encore la voie d'extrême urgence choisie également si le placenta
s'insère plus bas et en avant et qu'il se met à saigner abondamment. Cette incision a
des défauts : la suture du muscle est plus fragile à cet endroit où il n'y a que du
tissus musculaire, de plus elle est directement posée sans enfouissement par le
péritoine. On préfère toute les fois que c'est possible l'incision sur le segment
inférieur de l'utérus, derrière la vessie qu'on écarte après avoir ouvert le
péritoine des viscères. C'est plus long, mais à cet endroit l'organe est fait
essentiellement de tissus élastique qui cicatrise mieux, d'autant que le péritoine de la
vessie protège le processus de l'infection éventuelle. Cette incision peut être
horizontale, respectant mieux la disposition des fibres anatomiques, écartées plus que
sectionnées. Mais, si la tête du fœtus, par sa taille agrandit l'ouverture les
artères de part et d'autre sont menacées de déchirures . L'hémorragie est alors
abondante et même parfois simultanée sur les deux côtés. L'incision verticale a
d'autres inconvénients (rien n'est parfait !). Son extension mal contrôlée atteint le
corps vers le haut donc sa cicatrisation plus fragile.
Personnellement, expérience faite, c'est la première, celle sur le segment inférieur,
que je tente toute les fois qu'aucun empêchement n'intervient. Diverses, parfois
intriquées, elles peuvent être prévues dans certains cas, mais peuvent apparaître
impérieuses et urgentes à tout moment de la grossesse ou du travail d'accouchement.
Elles surviennent dans 5 à 10% des cas, selon les séries, avec des gravités
variables. Existent
Les anesthésies générales n'ont pas une innocuité garantie : Un Ministre en a fait
récemment la cruelle expérience. La rachianesthésie, expérience faite me paraît
intéressante, mais, si c'est possible (délai de 20à 30 minutes nécessaire). Les autres
méthodes sont moins constamment efficaces (acupuncture). Des blessures peuvent survenir
d'organes en position, ou de structure pathologique : intestin bridé par une adhérence,
vessie étirée sur une tête anormalement saillante ou même, ça m'est arrivé, uretére
congolais fixé par une bilharziose. Les hémorragies ont été évoquées. Elles peuvent
conduire à l'ablation hémostatique de l'utérus (hystérectomie) : c'est exceptionnel,
d'autant qu'on peut très bien et sans inconvénient lier les deux artères utérines !
Cet organe est exceptionnel et étonnant dans ses réactions, même pour le praticien
chevronné.
Les phlébites et le risque d'embolie mortelle peuvent être prévenus si l'éventuelle
anémie est corrigée vite et suffisamment, permettant une reprise rapide de l'activité
(lever précoce). Les hémorragies tardives sont spectaculaires, inquiétantes, peu
prévisibles, mais heureusement rares. Elles peuvent nécessiter une nouvelle intervention
d'hémostase. Les infections sont de loin la complication la plus fréquente. Les boissons
prises avec parcimonie expliquent certaines d'entre elles. Parfois, c'est un germe
vaginal, jusque là simplement supporté qui soudain déclenche sa virulence dans les
tissus meurtris. La paroi peut même suppurer et retarder la sortie. Il est rare qu'en
restent des séquelles. Il ne faut pas négliger les difficultés à trouver leur
respiration de ces nouveau-nés qui n'ont pas connu les bienfaits du stress offert aux
autres par Dame Nature, les obligeant à comprimer leur thorax dans le passage habituel
(3% des enfants nés par césarienne avant tout début de travail).
Combien de césariennes sont possibles pour une même femme ? C'est selon dirait mon
voisin paysan. Il peut arriver malheureusement que la première soit la dernière en
raison d'une complication ayant obligé à une stérilisation. Il m'est arrivé d'entendre
les sanglots d'une patiente fidèle à qui j'expliquais en cours d'intervention sous
péridurale que son utérus ne me paraissait plus capable (sauf à risquer de faire six
orphelins) de supporter suffisamment longtemps une nouvelle grossesse. J'avais mis son
deuxième enfant au monde en l'opérant pour une rupture en cours de la cicatrice de la
césarienne subie à son premier accouchement. Elle était revenue me voir cinq fois,
parce que je lui avais déclaré ne pas stériliser systématiquement à la troisième
césarienne comme d'autres l'avaient déclaré indispensable.
La césarienne protégerait contre l'avachissement des tissus qui entrave les
performances sexuelles et même provoque l'incontinence urinaire. C'est totalement faux et
je l'ai vérifié par des mesures objectives comme tous ceux qui les ont faites.
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